Trait d\'Union Humanitaire

Chronique prémonitoire

Chronique parue en février 2007, hélas prémonitoire...

 

Les hommes construisent trop de murs, mais pas assez de ponts (Isaac NEWTON)

 

Il y a quelques années à peine (mais c'était au siècle dernier), la transhumance des moutons s'effectuait au pas tranquille des troupeaux, guidés par les bergers et leurs chiens, dans la lente ascension qui les menait vers l'herbe haute et abondante des sommets. Dix, quinze jours étaient nécessaires pour rejoindre l'estive au printemps, en attendant les premiers froids où l'on redescendrait tout aussi tranquillement. Les choses ont beaucoup évolué.

 

C'est maintenant des camions qui assurent le transport des troupeaux, en une seule journée. Pas la moindre accoutumance des bêtes, qui passent ainsi brusquement de 300 à 2000 m d'altitude. Une quinzaine de jours leur sont ensuite nécessaires pour retrouver leur équilibre. Et il en sera de même quelques mois plus tard, lors de la descente dans la vallée.

 

Comment ne pas faire le parallèle avec certains pays parmi les plus défavorisés ? Trop souvent ayant sous les yeux les exemples diffusés par les médias, et en particulier la télévision, les dirigeants et leurs populations désirent copier le monde occidental et son mode de vie. Il nous a fallu 200, 300 ans parfois pour arriver où nous en sommes. Il est bien entendu impossible de passer brusquement d'une civilisation dans laquelle la part du revenu agricole est prépondérante, et souvent même où ce type de revenus est unique, à une civilisation qui voit l'agriculture se mécaniser, avant de très rapidement s'industrialiser. Elle ne subsiste qu'en s'adaptant non pas à la fois au climat et aux possibilités de la terre, comme celà était précédemment le cas, mais au contraire en suivant au plus près les demandes et les contraintes du marché mondial. Celà bien entendu au risque d'épuiser à la fois les ressources en eau et la terre elle-même, et d'ajouter aux difficultés propres à ce milieu. Il faut, pour arriver à des rendements intéressants, utiliser de plus en plus d'engrais chimiques, voire inventer de nouvellles espèces botaniques.

 

Que dire des ressources naturelles, dont le monde occidental est de plus en plus gourmand, épuisant par là le tiers-monde ? On n'offre même pas, surtout pas à celui-ci la possibilité de transformer ces ressources sur place, et d'accéder ainsi à l'industrialisation si nécessaire.

 

Ainsi est bouclée la boucle, amenant trop d'habitants de ces pays, à leur tour, à venir chercher chez nous le travail qui n'existe pas sur place, non plus qu'une quelconque protection sociale. Ils rejoignent à leur tour les pitoyables troupeaux d'êtres errants à la recherche d'un illusoire Eldorado, poussés en celà par des passeurs épouvantablement cupides, et qui les entrainent dans des aventures trop souvent sans retour, où l'on peut se poser la question de savoir si la mort n'est pas plus douce que la survie dans nos pays. Trop de ces voyages se terminent par de terribles naufrages, aussi bien au propre qu'au figuré.

 

Prenons garde, nos pays pourraient à leur tour devenir le Tiers-Monde de la planète. L'accroissement de l'activité et l'exploitation des richesses de pays encore hier en devenir, je veux parler par exemple de la Chine, de l'Inde, de la Russie, du Brésil, de l'Argentine, ne nous poussent-ils pas, à trés court terme, à notre tour à une condition d'assistés ? Puissions-nous alors ne pas regretter notre morgue, notre cruauté ou, au mieux, notre indifférence envers trop de ceux qui, alors, domineront le monde. Espérons ne pas être contraints à notre tour à une transhumance tragique vers d'inaccessibles bonheurs.



05/01/2012
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